samedi 7 juillet 2012

L'amour ne suffit pas : chapitre 13


Chapitre 13 — Île de Death Queen


            Il ouvrait la bouche, hébété, le cœur brisé sous le choc.
        Le sang coulait en filaments sombres sous le soleil couchant, dans un rouge délétère de désespoir.
          Elle avait couru pour le protéger, avait couru sans comprendre le danger. Guilty n'avait pas hésité. En un point d'apothéose dans son harcèlement moral, il était passé à l'assassinat.
          Ikki la regardait tomber, son esprit sous le traumatisme voyant la scène au ralenti, comme détaché. Ses longs cheveux blonds brillaient d'un reflet écarlate, ses yeux ouverts semblaient surpris, et sur sa robe de bure, le sang s'étalait en flaque saumâtre.
        Il ne la confondait soudainement plus avec son frère, comme si la ressemblance avait été coupée par le fil de la mort.
            Il courut vers le corps inerte, soupesa la tête légère qui murmura juste :
  « Ikki… Le phénix… battra bientôt des ailes, n’est-ce pas ? »
            Il hurla. Un ricanement lui répondit :
  « Imbécile ! Elle était au milieu, elle me dérangeait, déclara froidement Guilty. Et puis c'est de ta faute après tout, poursuivit-il, si tu n’avais pas retenu tes coups contre moi… Et tu es allé la chercher pour épancher tes sentiments incestueux, si tu l'avais laissée tranquille, elle serait toujours vivante... »
            Ikki regarda l'homme musclé devant lui, traversé d'un sentiment qu'il n'avait encore jamais ressenti. Guilty jouait avec lui, le trompait, tourmentait ses pensées. Il avait tué une jeune fille innocente et tentait de lui en faire porter le chapeau.
            Un monstre, ce n'était qu'un monstre.
            En un cri, Ikki hurla sa haine, explosion déflagrante autour de lui et lança son poing sur son "maître". Ce n'était pas un être humain, mais un démon sadique.
            Il le haïssait, oui.
            L’hémoglobine ruissela sur sa main en un flot chaud.
            Ikki entendit Guilty ricaner :
  « Bien... Tu es puissant maintenant... Digne du phénix... »
            Il toussa un caillot de sang.
  « Et maintenant ? Crois-tu que ton désir ait disparu ? Non, ce n'est pas la bonne personne qui est morte pour le faire disparaître... Sa mort à elle, tu la porteras comme un poids, ce sera ta culpabilité. Tu ne peux l'oublier que dans le sang... »
            Il cracha une dernière phrase à peine audible.
  « Plus jamais tu ne verseras de larmes… »
            Ikki trembla. Le corps froid tomba devant lui en un bruit sourd.

            Il avait... Il avait tué.
            La pensée glaça son corps brûlant.
            Esméralda... S'il ne l'avait jamais encouragée à venir lui parler elle serait... Et il l'avait laissée faire parce qu'il voyait en elle... Et il désirait...
            Ikki se sentit s'agenouiller, serrer ses mains ensanglantées autour de son crâne. Ses cheveux se collèrent sous l'hémoglobine fraîche, attachant son front écarlate.
            Il ne parvenait pas à réfléchir, ses idées se noyaient avant même d'exister.
  « Mais qu'est-ce que c'est que ça ?! », hurla un homme sur sa gauche.
            Ikki releva la tête. C'était le paysan voisin, le maître d'Esméralda.
  « Qu'a... Qu'avez-vous fait à mon esclave ?! », hurla le fermier.
            Ikki n'essaya même pas de lui parler. Il se releva et posa la main autour du cou de l'homme, tachant de rouge sa chemise.
  « Où est mon armure ? », demanda-t-il juste.
            Le paysan écarta grand les yeux.
  « Où est mon armure ?, répéta Ikki d’un ton froid, en serrant légèrement la trachée.
  – Les chevaliers noirs... Ce sont eux qui l'ont... », gargouilla le fermier.
            Ikki le relâcha et partit vers le volcan. Par ses non-dits, Esméralda avait en fait été claire sur le territoire des chevaliers noirs. Ikki ne prit pas le temps de se changer. Torse nu, les muscles visibles mâtinés de sang, pieds non chaussés, il marcha vers la montagne.
            Rien ne l'arrêterait.


            Il toucha la boîte. Elle était dure et lourde, un phénix gravé dessus.
           Les chevaliers noirs... Il les avait battus un à un. C'était facile... Et leur "chef" était encore plus faible qu'eux.
            Ikki caressa le métal froid, avide et anxieux. Il tira sur la poignée, découvrant une armure orangée, luisant sous les étoiles. A lui... Juste à lui... Il l'enfila précautionneusement, frémissant sous l'étreinte de la cuirasse. Une puissance folle lui semblait l'envahir, elle descendait en ondes désordonnées entre ses doigts et le métal inconnu. Il se sentit invincible.
            Un son sec et régulier le fit se retourner.
            C'était un homme blond, une armure d'or serrant son corps mince. Il gardait les yeux fermés.
  « Tu m'as précédé... »
            L’inconnu s’avança.
  « Je suis Shaka. »
            Ikki ricana.
  « Mais tu es si faible encore... Tel le roi-singe dans la paume de Bouddha... », poursuivait Shaka.
            Vexé, Ikki tendit son cosmos vers l'étranger, voulant prouver sa supériorité. Sans problème apparent, ce dernier stoppa son attaque et le renversa. Ikki ne comprenait pas, comment avait-il été battu si facilement par un homme d'apparence si faible ?
            Shaka s'accroupit près du jeune homme.
  « Je ne ressens pas un démon en toi... Je vais te laisser une chance, pour le bon que je perçois encore... Tu vas oublier que nous nous sommes rencontrés… Mon visage, mon nom, tout va s’effacer... »
            Ikki sentit ses yeux se fermer seuls alors qu'il plongeait dans l'inconscience.
            L'inconnu...
            Qui ?
            Ses souvenirs s'effacèrent en langueur tiède.


            Il se réveilla sur une terre sèche, le soufre du volcan s'infiltrant au plus profond de sa gorge.
            Que s'était-il passé ?
            Meurtre, sang sombre, culpabilité, désirs secrets... Tout se mélangea en brouhaha obscur dans ses pensées.
            Il roula sur le côté et vomit. Ses yeux étaient secs sur son cœur brisé.
            Ikki se redressa et redescendit vers la demeure de Guilty.

            Son corps était toujours là, masse froide sur le sable noir, mais Ikki ne lui prêta aucune attention. Il marcha plus loin vers le corps d'Esméralda, portant le corps léger de la jeune fille.
            C'était de sa faute.
            Si seulement il n'avait pas projeté ses désirs sur elle.
            Désirs de posséder...

            Les longs cheveux fins caressaient son bras en supplique posthume. Ikki s'avança vers le pré où poussaient les rares fleurs de l'île, pousses aussi délicates que la jeune fille.
            Elle les aimait…
            En une explosion, il creusa le sol pour y poser le corps inanimé de la jeune fille. Il poussa la terre sur elle en tremblant, voyant le joli minois disparaître définitivement de ses yeux, inscrivant ce passage dans sa mémoire. La peau rose se ternissait sous le sable noir, les cheveux blonds se salissaient de poussière de basalte.
            Elle ne lui ressemblait même pas tant que ça, se dit cruellement Ikki. Combien avait-il dû projeter ! S'il n'avait jamais eu cette envie folle, elle serait...
            Le corps s’évanouit complètement dans le sol avide, effaçant toute trace d’Esméralda à part un léger rebond.
            Des bruits de pas se firent entendre derrière Ikki. Il se retourna pour voir les chevaliers noirs défaits. Ils avaient posé un genou à terre en signe d'obéissance.
  « Nous voulons vous servir... Vous êtes le porteur de l'armure. »
            Ikki se redressa et les toisa.
  « Vous êtes vraiment prêts à me servir en tout ? »
            Les yeux des chevaliers noirs brillèrent. Ikki eut alors un sourire torve.
  « Très bien, nous allons alors aller au Japon... C'est le seul endroit où je risque de le revoir... »

            L'esprit d'Ikki plongea dans un puits sombre de désespoir confus.


Note : j’ai réécrit différemment quelque peu le passage avec Shaka, et énormément la confrontation finale avec Guilty.


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