Chapitre 13 —
Île de Death Queen
Il ouvrait la bouche, hébété, le cœur
brisé sous le choc.
Le sang coulait en filaments sombres
sous le soleil couchant, dans un rouge délétère de désespoir.
Elle avait couru pour le protéger,
avait couru sans comprendre le danger. Guilty n'avait pas hésité. En un point
d'apothéose dans son harcèlement moral, il était passé à l'assassinat.
Ikki la regardait tomber, son esprit
sous le traumatisme voyant la scène au ralenti, comme détaché. Ses longs
cheveux blonds brillaient d'un reflet écarlate, ses yeux ouverts semblaient
surpris, et sur sa robe de bure, le sang s'étalait en flaque saumâtre.
Il ne la confondait soudainement plus
avec son frère, comme si la ressemblance avait été coupée par le fil de la
mort.
Il courut vers le corps inerte, soupesa
la tête légère qui murmura juste :
« Ikki…
Le phénix… battra bientôt des ailes, n’est-ce pas ? »
Il hurla. Un ricanement lui répondit :
« Imbécile ! Elle était au
milieu, elle me dérangeait, déclara froidement Guilty. Et puis c'est de ta
faute après tout, poursuivit-il, si tu n’avais pas retenu tes coups contre moi…
Et tu es allé la chercher pour épancher tes sentiments incestueux, si tu
l'avais laissée tranquille, elle serait toujours vivante... »
Ikki regarda l'homme musclé devant lui,
traversé d'un sentiment qu'il n'avait encore jamais ressenti. Guilty jouait
avec lui, le trompait, tourmentait ses pensées. Il avait tué une jeune fille
innocente et tentait de lui en faire porter le chapeau.
Un monstre, ce n'était qu'un
monstre.
En un cri, Ikki hurla sa haine,
explosion déflagrante autour de lui et lança son poing sur son
"maître". Ce n'était pas un être humain, mais un démon sadique.
Il le haïssait, oui.
L’hémoglobine ruissela sur sa main en
un flot chaud.
Ikki entendit Guilty ricaner :
« Bien...
Tu es puissant maintenant... Digne du phénix... »
Il toussa un caillot de sang.
« Et
maintenant ? Crois-tu que ton désir ait disparu ? Non, ce n'est pas la
bonne personne qui est morte pour le faire disparaître... Sa mort à elle, tu la
porteras comme un poids, ce sera ta culpabilité. Tu ne peux l'oublier que dans
le sang... »
Il cracha une dernière phrase à peine
audible.
« Plus jamais tu ne verseras de larmes… »
Ikki trembla. Le corps froid tomba
devant lui en un bruit sourd.
Il avait... Il avait tué.
La pensée glaça son corps brûlant.
Esméralda... S'il ne l'avait jamais
encouragée à venir lui parler elle serait... Et il l'avait laissée faire parce
qu'il voyait en elle... Et il désirait...
Ikki se sentit s'agenouiller, serrer
ses mains ensanglantées autour de son crâne. Ses cheveux se collèrent sous
l'hémoglobine fraîche, attachant son front écarlate.
Il ne parvenait pas à réfléchir, ses
idées se noyaient avant même d'exister.
« Mais qu'est-ce que c'est que ça ?! », hurla un homme sur sa gauche.
Ikki releva la tête. C'était le paysan
voisin, le maître d'Esméralda.
« Qu'a...
Qu'avez-vous fait à mon esclave ?! », hurla le fermier.
Ikki n'essaya même pas de lui parler.
Il se releva et posa la main autour du cou de l'homme, tachant de rouge sa
chemise.
« Où
est mon armure ? », demanda-t-il juste.
Le paysan écarta grand les yeux.
« Où est
mon armure ?, répéta Ikki d’un ton froid, en serrant légèrement la
trachée.
– Les
chevaliers noirs... Ce sont eux qui l'ont... », gargouilla le fermier.
Ikki le relâcha et partit vers le
volcan. Par ses non-dits, Esméralda avait en fait été claire sur le territoire
des chevaliers noirs. Ikki ne prit pas le temps de se changer. Torse nu, les
muscles visibles mâtinés de sang, pieds non chaussés, il marcha vers la
montagne.
Rien ne l'arrêterait.
Il toucha la boîte. Elle était dure et
lourde, un phénix gravé dessus.
Les chevaliers noirs... Il les avait
battus un à un. C'était facile... Et leur "chef" était encore plus
faible qu'eux.
Ikki caressa le métal froid, avide et
anxieux. Il tira sur la poignée, découvrant une armure orangée, luisant sous
les étoiles. A lui... Juste à lui... Il l'enfila précautionneusement,
frémissant sous l'étreinte de la cuirasse. Une puissance folle lui semblait
l'envahir, elle descendait en ondes désordonnées entre ses doigts et le métal
inconnu. Il se sentit invincible.
Un son sec et régulier le fit se
retourner.
C'était un homme blond, une armure d'or
serrant son corps mince. Il gardait les yeux fermés.
« Tu
m'as précédé... »
L’inconnu s’avança.
« Je suis Shaka. »
Ikki ricana.
« Mais
tu es si faible encore... Tel le roi-singe dans la paume de Bouddha... »,
poursuivait Shaka.
Vexé, Ikki tendit son cosmos vers
l'étranger, voulant prouver sa supériorité. Sans problème apparent, ce dernier
stoppa son attaque et le renversa. Ikki ne comprenait pas, comment avait-il été
battu si facilement par un homme d'apparence si faible ?
Shaka s'accroupit près du jeune homme.
« Je ne ressens pas un démon en
toi... Je vais te laisser une chance, pour le bon que je perçois encore... Tu
vas oublier que nous nous sommes rencontrés… Mon visage, mon nom, tout va
s’effacer... »
Ikki sentit ses yeux se fermer seuls
alors qu'il plongeait dans l'inconscience.
L'inconnu...
Qui ?
Ses souvenirs s'effacèrent en
langueur tiède.
Il se réveilla sur une terre sèche, le
soufre du volcan s'infiltrant au plus profond de sa gorge.
Que s'était-il passé ?
Meurtre, sang sombre, culpabilité,
désirs secrets... Tout se mélangea en brouhaha obscur dans ses pensées.
Il roula sur le côté et vomit. Ses
yeux étaient secs sur son cœur brisé.
Ikki se redressa et redescendit vers la
demeure de Guilty.
Son corps était toujours là, masse
froide sur le sable noir, mais Ikki ne lui prêta aucune attention. Il marcha
plus loin vers le corps d'Esméralda, portant le corps léger de la jeune fille.
C'était de sa faute.
Si seulement il n'avait pas projeté ses
désirs sur elle.
Désirs de posséder...
Les longs cheveux fins caressaient son
bras en supplique posthume. Ikki s'avança vers le pré où poussaient les rares
fleurs de l'île, pousses aussi délicates que la jeune fille.
Elle les aimait…
En une explosion, il creusa le sol
pour y poser le corps inanimé de la jeune fille. Il poussa la terre sur elle en
tremblant, voyant le joli minois disparaître définitivement de ses yeux,
inscrivant ce passage dans sa mémoire. La peau rose se ternissait sous le sable
noir, les cheveux blonds se salissaient de poussière de basalte.
Elle ne lui ressemblait même pas tant
que ça, se dit cruellement Ikki. Combien avait-il dû projeter ! S'il
n'avait jamais eu cette envie folle, elle serait...
Le corps s’évanouit complètement
dans le sol avide, effaçant toute trace d’Esméralda à part un léger rebond.
Des bruits de pas se firent entendre
derrière Ikki. Il se retourna pour voir les chevaliers noirs défaits. Ils
avaient posé un genou à terre en signe d'obéissance.
« Nous
voulons vous servir... Vous êtes le porteur de l'armure. »
Ikki se redressa et les toisa.
« Vous
êtes vraiment prêts à me servir en tout ? »
Les yeux des chevaliers noirs
brillèrent. Ikki eut alors un sourire torve.
« Très
bien, nous allons alors aller au Japon... C'est le seul endroit où je risque de
le revoir... »
L'esprit d'Ikki plongea dans un puits
sombre de désespoir confus.
Note : j’ai réécrit différemment quelque peu
le passage avec Shaka, et énormément la confrontation finale avec Guilty.
Suite -> Chapitre 14
Suite -> Chapitre 14
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire