lundi 16 juillet 2012

L'amour ne suffit pas : chapitre 18


Chapitre 18 — Fondation Graud


        Ils avaient une semaine. Ikki avait lancé son défi et Shiryû était parti faire réparer les armures de Pégase et du Dragon. Réussirait-il ?
       Les mains dans les poches, Seiya soupirait à cette idée. Il n'avait jamais prévu que son armure puisse "mourir", ni que Shiryû devrait aller si loin pour un faible espoir.
  « Tu ne devrais pas rester là à ruminer ta mauvaise humeur », dit une voix noble sur sa gauche.
        Saori était au seuil de la pièce, les bras croisés, la présence altière.
« Et que devrais-je faire selon vous ? », ragea Seiya.
        Saori se rapprocha et frôla son épaule de sa main gantée.
  « Sortir... Allez voir Hyôga et Shun, ou ton amie Miho... Aller en ville, te promener... Pas rester ici sans bouger, l'esprit concentré sur les mêmes problèmes... »
        Seiya tourna la tête vers elle, intrigué. Il pensait qu'elle se moquerait, ou qu'elle serait verte de rage. Pas compatissante. L'âge l'avait-elle tant transformée ?
        Il bredouilla une acceptation en la contournant pour sortir de la pièce, étrangement conscient des yeux vifs sur lui. Rien de ceci n'était normal

        Sur le perron, Hyôga était assis sur un banc, le regard dans le vague. Seiya s'arrêta :
  « Comme me le dirait quelqu'un d'improbable, tu devrais t'aérer l'esprit. »
        Il entendit Hyôga rire en réponse.
« Je n'ai aucun problème... J'ai eu un choix à faire à un moment... mais j'ai pris le bon », finit le Russe en souriant.
        Seiya inclina la tête sans comprendre.
« Alors pourquoi restes-tu ici avec un air triste ?
  – Je le regarde lui... », murmura Hyôga en pointant du menton devant lui.
        Seiya suivit le regard. Dans la pelouse, à l'ombre d'un arbre, Shun s'était assis, une fleur frêle d'automne dans la main gauche. Il leur tournait le dos, mais ses épaules s'étaient affaissées, et une bretelle avait glissé le long de son bras.
« Il est là depuis des heures..., expliqua Hyôga. Je vais régulièrement le voir, mais il ment en me disant qu'il va bien. Puis il ne dit plus rien et replonge dans ses pensées, et... elles ne sont pas joyeuses
  – Normal, c'est son frère..., observa Seiya. Néanmoins, j'ai remarqué qu'il t'aime bien Hyôga. Même s'il ne te dit rien, peut-être, juste être avec lui, lui ferait du bien ?, suggéra-t-il.
  – Hum... », commenta juste Hyôga.
        Seiya s'étira.
  « Je vais faire un tour et rentrer chez moi. Il y a encore six jours, profitons-en du mieux qu'on peut ! », s'exclama-t-il.
        Il partit en trottinant.
       Hyôga avait déjà reposé les yeux sur le jeune homme châtain, détaillant chaque cheveu, chaque pore de peau. En expirant il se redressa et retourna aux côtés de Shun.

  « Que regardes-tu ?, lui souffla-t-il à l'oreille.
  – Les nuages... Ils font des dessins portés par le vent... Le vent souffle une réponse, et j'essaie de l'entendre », chuchota Shun.
        Hyôga s'assit derrière le jeune homme et posa ses mains sur ses épaules.
  « Je vois une sorte de... girafe ?, tenta-t-il d'observer. Elle essaie de monter dans un... bus ? Mais devant eux il y a un... chamois géant ? »
        Les iris verts de Shun sur lui l'interrompirent dans sa description. Il avait haussé le sourcil et le regardait les lèvres entrouvertes :
  « Tu plaisantes, tu ne peux pas voir ça, si ?
  – Hum, je vois vraiment ça en fait Shun... », s'excusa Hyôga.
        Shun le jaugea du regard et se mit à rire :
  « Mais comment peux-tu imaginer de telles choses ?!
  – Je ne sais pas... »; sourit Hyôga, ravi d'avoir interrompu le flux de pensées moroses de son ami.
        Shun soupira en posant la tête sur l'épaule du Russe.
  « Merci d'être là... », chuchota-t-il en l'encerclant de ses bras.
        Shun était léger mais solide, le muscle dur sous la peau douce, et sa présence était une chaleur tiède contre Hyôga. Les cheveux châtain frôlaient sa joue en caresse épicée, et son corps exhalait une odeur suave, légèrement salée. La chose était complètement troublante pour Hyôga qui étreignit inconsciemment la forme entre ses bras, respira profondément son parfum chaud. Shun était chaud contre lui, entrant en résonance avec le circuit qui traversait son torse.
        Hyôga oublia tout à part la sensation douce contre lui.


        Seiya balaya le sable de la cour du pied.
  « Je n’ai toujours aucune nouvelle de Seika… Et la promesse de m’aider si je gagne le tournoi, alors qu’il n’y a plus de tournoi, c’est juste…! », rageait-il.
        Miho s’était assise sur une balançoire sur sa gauche et se laissait mollement aller.
  « Alors pourquoi ne laisses-tu pas tout tomber ? », demanda-t-elle.
        Seiya soupira.
  « Pourquoi… Parce que si j’aide Saori Kido un peu plus, elle finira par accepter de m’aider. Parce que j’ai une dette envers Shiryû. Parce que je me suis engagé. Parce que ! », hurla-t-il en serrant les poings.
        Le grincement métallique léger des chaînes de la balançoire lui répondit juste. Miho regardait le sol orangé par le soleil du soir en se pinçant les lèvres.
  « Parle-moi de Saori Kido », déclara-t-elle soudain.
        Seiya se tourna vers elle avec un air interrogateur
  « Pourquoi ?
  – Parce que ! », répliqua-t-elle.
        Seiya rit en se frottant le nez.
  « Et bien…, commença-t-il, elle a changé depuis l’enfance je trouve. Plus noble, un peu plus diplomate. Et pourtant elle est toujours désespérément autoritaire, se croyant une princesse dont on doit exaucer le moindre désir, expliqua-t-il.
  – Est-elle belle ?, se renseigna Miho.
  – Hum, tu as dû la voir à la télé, non ? »
        Elle serra la chaîne de la balançoire, passant ses doigts à travers un anneau.
  « Oui mais la télévision améliore les choses parfois. Je veux savoir ce qu’il en est vraiment, mentit-elle.
  – Hum, je suppose que oui elle est belle, répondit Seiya après un instant de réflexion, avec de longs cheveux bruns et des gestes aristocratiques.
  – Je vois… »
        Miho se redressa, levant les yeux vers le crépuscule.
  « Il est tard… Tu devrais rentrer chez toi, dit-elle.
  – Tu ne m’invites pas à manger avec vous ? », s’étonna Seiya.
        Elle serra les poings.
  « Pas ce soir, un des petits est malade, et je dois m’en occuper pour la nuit.
  – Ah d’accord. Au revoir alors ! », rit-il en s’éloignant.
        Miho soupira en fixant le sable. Rien, il ne comprenait rien.
        L’idiot.


  « Pourquoi as-tu changé d’avis ? », lui demanda soudain Shun.
        Il s’était allongé sur le canapé, la tête renversée sur l’accoudoir et les mains croisées dans le vide devant lui.
  « Changé d’avis ?, s’étonna Hyôga.
  – Les autres croient que tu plaisantais quand tu disais que le Sanctuaire t’avait envoyé nous tuer. Mais tu ne plaisantais pas, je le sais, expliqua Shun. Alors pourquoi as-tu changé d’avis ? »
        Hyôga se colla plus contre la fenêtre, refusant de laisser entrevoir son visage.
  « Les choses… ne sont pas si simples que je croyais », finit-il par répondre.
        La vitre, refroidie par les premiers frimas vespéraux de l’automne, s’embuait sous sa respiration, souffle chaud honteux.
  « Et que croyais-tu ? », insista la voix douce derrière lui.
        Le Russe appuya son visage contre le carreau, dessinant des lignes non réfléchies du bout de son nez.
  « Je croyais que vous n’étiez tous que des gens sans conscience pour participer à ce tournoi… Des êtres vils, sans respect. J’ai jugé vite… »
        Sa voix s’étouffa.
        Shun écarta les yeux en laissant tomber ses bras mollement sur le velours blanc du canapé. La silhouette blonde se détachait sur la fenêtre immense du salon, ombre en contre-jour sous la luminosité s’affaiblissant.
  « Puis je vous ai vus… Vous aviez tous des raisons d’être là, toutes respectables, poursuivait Hyôga. Seiya a même risqué sa vie pour sauver Shiryû. Et là j’ai réalisé… »
        Il trembla alors qu’une main délicate se posait sur son bras. Les doigts fins agrippèrent légèrement le coton de sa chemise.
  « Tu as réalisé ? », l’encouragea Shun.
        Hyôga inspira.
  « J’ai réalisé à quel point le plus présomptueux, c’était moi. Moi le vaniteux de m’être cru si supérieur… », termina-t-il.
        Il se retourna pour voir un Shun souriant sous le soleil du soir. Ses yeux tristes s’étaient refermés dans une tendresse qui irradiait de son sourire généreux.
  « L’essentiel est que tu aies réalisé tes erreurs, dit-il en un soupir. Tout le monde peut se tromper, mais doit-on condamner toutes les fautes ? »
        Il lâcha la chemise de Hyôga et posa sa main sur la vitre, dégageant la légère buée du bout des doigts.
  « Bien sûr que non… », murmura-t-il.
        Il tourna son visage rose vers Hyôga et dit doucement :
  « Je garde l’espoir ! »
        Hyôga s’en retint de respirer.
        Badinait-il ? Etait-il sérieux ?
        Shun avait deux petites fossettes autour de sa bouche et une sur son menton. Quand il souriait, elles se creusaient, et Hyôga ne pouvait pas en détacher son regard.
        L’espoir hein ?

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