lundi 16 juillet 2012

L'amour ne suffit pas : chapitre 19

AmourNeSuffitPas19
Chapitre 19 — Japon

            Les cavernes s’enfonçaient en labyrinthe obscur et vapeur chaude. Une odeur familière de soufre s’enfonçait dans ses souvenirs alors qu’il les arpentait, les doigts glissant sur les parois granuleuses. Parfait, un vrai piège, dont aucun de ses anciens camarades ne saurait ressortir. Une ombre le frôla sur sa gauche.
  « Seigneur Ikki, murmura-t-elle, je me demande juste… Pourquoi au juste voulez-vous vraiment les tuer ? Nous pourrions juste leur prendre les morceaux d’armures, et ainsi vous auriez ce que vous désirez… »
            Ikki tourna ses iris sombres vers la silhouette aux longs cheveux.
  « Oserais-tu remettre mes ordres en question, Dragon noir ? »
            L’interpellé plissa les yeux en riant doucement :
  « Vous me connaissez assez pour savoir que non… Je voyais juste là un gain d’énergie, mais je ferai selon vos souhaits. »
            Il posa la main contre son ventre et s’inclina légèrement avant de repartir
        Ikki avança, baissant le regard sur un gouffre noir au détour du tunnel. Jusqu’où allait-il ? Assurément quiconque y tombait ne pouvait plus en ressortir. Ikki s’accroupit devant. 
          Il les avait regardés.
          Seiya, semblant plus impertinent que jamais. Si prétentieux lors de ses combats, puis si apte à tout faire pour se rattraper en réalisant qu’il était allé trop loin. Adorant occuper l’espace lors des interviews, faisant jouer la corde sensible. Un idiot. Il serait simple à battre.
          Shiryû, plus loquace que dans ses souvenirs, mais n’ayant toujours pas dépassé son complexe de supériorité. Intelligent mais semblant l’oublier lors des combats. Un sacré avantage pour Ikki.
            Hyôga, toujours aussi froid. Il était calculateur, orgueilleux à raison. Mais ses interviews et sa réaction lors de la venue d’Ikki montrait clairement à ce dernier que le sentimental n’était pas loin. Ikki avait la parfaite attaque pour ça.
            Shun… Il semblait avoir trouvé une sorte de paix avec sa douceur, et avait laissé parler assez sa puissance pour obtenir son armure. Et ses yeux… Reflets moirés sous une giboulée de campagne, vert vibrant de candeur. Comment avait-il réagi déjà ? Il s’était pétrifié, s’était laissé glisser à terre en respirant bruyamment. Et maintenant ? Ikki tressauta. Shun était l’inconnue pour lui, celui qu’il voulait voir maîtrisé au plus vite, avant de perdre contrôle. 
            Ikki serra les poings en se redressant. Il n’était pas seul. Ses alliés étaient puissants et affaibliraient assez ses anciens camarades et son frère. Il s’oublierait dans le sang, il effacerait toute trace de ses erreurs, de ses sentiments, et tout témoin disparaîtrait.
            Il contourna le gouffre et s’enfonça encore plus profondément dans la montagne. La puanteur étouffante était une alliée, lui et les Chevaliers noirs y étaient habitués, par contre les autres… Ikki rit. Tout serait vite terminé. 

            Seiya sursauta.
           Il avait rêvé de Shiryû. Le Chinois était dans des montagnes inconnues, un vent froid courant sur ses épaules. Un nuage se collait à lui, l’étouffait en toison blanche et Shiryû s’évanouissait sous un ciel rouge.
          Seiya avait hurlé.
          Des râlements de mécontentement lui étaient venus de la part de ses voisins dessous.
          Il se rallongea, les bras en croix. Il imaginait beaucoup trop de choses, Shiryû irait bien, il était fort, non ? Il reviendrait même certainement à temps, les armures réparées sur le dos, le sourire aux lèvres. Non, Seiya ne devait pas s’inquiéter. Il se le chuchota avant de se rendormir doucement.
   « Je suis occupée », avait protesté Miho quand Seiya était venu lui raconter son rêve le lendemain.
            Elle siffla l’envoi du match, à la grande joie des enfants, qui coururent sur le terrain. Seiya plongea les mains dans ses poches, et la regarda pensif.
  « Tu n’approuves pas le fait que nous allions nous battre demain, c’est ça ? », demanda-t-il.
            Cela faisait plusieurs jours qu’elle était distante, ayant toujours quelque chose à faire quand il venait. Seiya commençait à voir la manœuvre.
  « Mais non Seiya ! C’est juste que j’ai un travail très prenant tu sais, objecta Miho.
  – Et tu ne peux pas me parler tout en les arbitrant ? »
            Elle souffla dans son sifflet en courant vers un des enfants.
  « On ne tire pas les cheveux d’un membre de l’autre équipe ! »
            La petite fille grimaça en obtempérant. Miho revint en dehors du terrain.
  « Tu vois, ça me prend beaucoup de temps ! », s’exclama-t-elle.
            Il soupira. Les couettes courtes de Miho se balançaient au rythme de ses sauts d’excitation et de ses précipitations pour arbitrer. Seiya baissa la tête, balayant le sol des yeux.
  « Tu sais, commença-t-il alors que Miho était sur le bord de la cour, j’ai juré d’être chevalier d’Athéna ? Tu sais ce que ça signifie ? »
            Elle ne lui répondit ostensiblement pas.
  « Ce genre d’armure, comme celle qui a été volée, est sacrée, continua-t-il sans relever le visage, il est hors de question que quelqu’un d’indigne ne la porte. Et Ikki, en blessant gravement certains, en frappant son propre frère, et en nous menaçant tous, n’en est pas digne. »
            Miho cria soudain un encouragement. Impassible, Seiya poursuivit :
  « Nous avons donc à faire à Ikki, et visiblement au minimum trois autres Chevaliers noirs puissants. Et que pouvons-nous leur opposer ? Shun a beau dire qu’il se battra, jamais il ne pourra affronter un frère bien-aimé. Jabu et les autres sont repartis s’entraîner. Je n’ai plus d’armure. Nous ne savons pas si Shiryû rentrera. En fait le mieux placé, c’est Hyôga. »
            Seiya expira en redressant le menton. Miho lui tournait toujours le dos.
  « Mais même sans armure, je dois me battre, c’est mon devoir. Et je dois croire en la venue de Shiryû. Comprends-tu ? », demanda-t-il.
            Elle eut un rire nerveux.
  « C’est toi qui ne comprends pas… Toi qui ne comprends rien. Tu me fais de grands discours sur l’honneur sans réaliser que ta vie est en jeu, sans réaliser que tu te soucies plus de ton armure que des gens qui t’aiment. »
            Elle avait serré les poings et tremblait un peu.
  « Mais va donc en T-shirt d’été face à des types qui te massacreront en une seconde, tout ça pour les yeux de Saori Kido ! »
            Elle siffla la fin de la partie et alla voir le groupe d’enfants sans se retourner.
            Seiya restait interloqué. Que voulait-elle dire ?
            Elle avait raison, il ne comprenait rien.
 
            Assis sur son lit, il avait ouvert la main, regardant le médaillon dans la paume. Son frère lui avait dit que c’était un souvenir de leur mère. Il l’avait décrite, forme mince et châtain, avec de longs cils et les yeux verts comme ceux de Shun. Mais Shun associait plus le pendentif à son frère. C’était Ikki qu’il voyait se refléter dans le pentacle, se penchant pour le lui offrir avant qu’ils ne soient séparés.
        Shun sentit une larme involontaire glisser le long de sa joue.
       Il avait fini par prendre sa décision.
      Cela faisait une semaine qu’il réfléchissait à comment radoucir Ikki. Il le savait, sous l’apparence dure, il y avait toujours le jeune homme sensible qu’il connaissait. Il y avait pensé en regardant la photo dans la presse. Ikki y était montré sous son jour dur, les yeux courbés de haine, accentués par la cicatrice entre ses sourcils, la bouche prise d’un rictus. Mais sous ces traits, Shun retrouvait le regard pur juste voilé, le sourire déformé par la souffrance. Non, Ikki n’était pas le monstre que ses camarades imaginaient. Et cela seul Shun le savait.
     Le jeune homme serra le médaillon dans sa main et le rattacha autour de son cou. Il se souvenait toujours de ce qu’il avait capté chez Ikki. Son empathie se souvenait de chaque sentiment, mélodie sourde en lui. Au choc avait succédé la stupéfaction. Puis ce fut un mélange de peur, de désespoir et d’amour blessé. Enfin, Shun avait fini par accepter. Nier ne servait à rien. La tristesse l’avait submergé. Etait-il coupable ? Si Ikki n’avait pas dû l’aider autant enfant ? S’il n’avait pas dû aller dans cette île maudite ? Shun avait mordu ses draps pour ne pas crier son déchirement, et inquiéter plus encore son voisin concerné. Mais le remords ne servait à rien.
    Lentement, Shun avait imaginé toutes les attitudes qu’il pouvait avoir, les réactions qu’elles produiraient chez Ikki. Il avait joué dix milles scènes différentes avec les mêmes personnages et le même contexte. Puis il sut. Seule cette réponse pouvait fonctionner. Il avait tremblé, incertain d’être prêt.
            Mais c’était Ikki…
            Shun frémit sous sa résolution.
            Le métal froid du pendentif le picotait légèrement, reproche fourmillant.
            Mais c’était pour Ikki…

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