samedi 7 juillet 2012

L'amour ne suffit pas : chapitre 16


Chapitre 16 — Japon


            Ils étaient présomptueux en plus.
            Ichi… Si fier de sa méthode pourtant si inefficace… Et il avait vu le combat de Seiya et celui de Jabu. Arrogants, prétentieux, si sûrs d’eux… Ils se pavanaient dans un tournoi public, rompaient le serment de discrétion et osaient s’en vanter. Le Sanctuaire avait raison de vouloir les éliminer.
  « Hyôga ! », appela la voix douce sur sa gauche.
            Le blond posa négligemment les yeux sur son interlocuteur. Il ne l’avait pas vu combattre, mais s’il était là, il ne valait pas plus que les autres. Hyôga détourna la tête et poursuivit son chemin.
  « Tu n’as pas changé, rit la voix derrière lui. La première fois que tu m’as vu, tu ne voulais pas plus me parler, prétendant être rude et austère. »
            Hyôga soupira, visiblement son interlocuteur insistait. Il le regarda. Son visage avait quelque chose de familier, présence tendre de son enfance. Puis il se souvint, écartant légèrement les lèvres :
  « Shun ? », énonça-t-il.
            Le jeune homme châtain rit en réponse.
  « Je suis content de retrouver un visage amical ! », s’exclama-t-il.
            Hyôga se sentit perturbé. Amical ? Ils ne s’étaient pas vus depuis des années. L’âge adulte les avait transformés. Comment pouvait-il être "amical" ? Il grommela quelques mots inaudibles en continuant d’avancer vers les vestiaires. Shun trottina à ses côtés.
  « Il doit faire trop chaud pour toi je suppose…, disait-il. Tu n’as jamais aimé ça. Et puis septembre au Japon est encore lourd et étouffant… »
            Comment se souvenait-il de telles choses ? Hyôga évitait de le regarder, mais il sentait le corps tiède gambader sur sa gauche. Il dégageait des ondes douces et mélodieuses, comme le vent qui soufflait sur la banquise. C’était désagréablement plaisant.
            Hyôga s’assit sur le banc du vestiaire, ôtant son armure pièce par pièce. Shun lui tendit une serviette.
  « Merci… », finit par répondre Hyôga.
            Shun souriant s’assit à ses côtés. Le jeune homme blond le regarda enfin.
            Ses cheveux épais descendaient en courbes souples le long de son visage, douceur châtain accentuant le rose de sa peau crème. Ses yeux larges verdoyaient sur son sourire, finement cerclés de longs cils noirs. Il était mince, mais son corps solide trahissait une musculature cachée. Il s’était un peu penché, et les manches de son polo remontaient légèrement, laissant voir des cicatrices encore rouges en forme de maillons, gravées sur sa peau.
  « Qu’est-ce que ? », demanda Hyôga en tendant les doigts vers les brûlures.
            Shun posa sa main sur les marques et répondit tranquillement :
  « Ce sont les souvenirs de mon épreuve… Pour gagner l’armure.
  – Ton épreuve ? », s’étonna Hyôga.
            Il réalisa brutalement qu’il n’avait eu aucune épreuve à passer.
            Shun lui sourit en baissant la manche sur ses cicatrices et tapota amicalement la main qui le frôlait. Hyôga retira prestement ses doigts.
  « Je ne savais pas..., hésita-t-il. Je ne savais pas que ça avait été si dur pour toi…
  – Ce n’est pas grave… », sourit Shun.

            Hyôga frémit. Il devait tous les assassiner. Shun y compris.
  « Pourquoi es-tu là ? », demanda-t-il sans même s’en rendre compte.
            Shun baissa les yeux en une mimique nostalgique.
  « Ah…, soupira-t-il. Je veux revoir mon frère… »
            Son frère. Bien sûr. Hyôga se souvint brutalement de tout. L’échange de places, l’île d’où personne ne revenait, les serments qu’ils s’étaient faits…
            Shun releva la tête en un sourire lumineux.
  « Mais tu as tenu ta promesse de revenir, j’ai tenu la mienne, il tiendra sûrement la sienne ! Même non chevalier, ce n’est pas grave, l’essentiel, c’est qu’il revienne ! »
            Les pensées de Hyôga tremblèrent. Il ne devait pas se laisser amadouer, il ne devait pas…


  « Alors quel est votre sentiment à l’issue de ce combat ? »
            La journaliste était petite, mais elle trépignait beaucoup et occupait une place folle. Hyôga avait l’impression que bien qu’il fût l’interviewé, c’était elle la star du show. Le caméraman centrait sur elle, et elle se retournait vers ce dernier agitant les doigts en mimiques expressives.
  « Vous avez bien vu le combat retransmis… », soupira le Russe.
            La présentatrice fit une mine boudeuse et tâta son épaule en ouvrant exagérément la bouche.
  « Whaou ! Mais il est solide ! Vous voyez ça, un homme bien bâti ! »
            Hyôga recula instinctivement, mais la journaliste était déjà passée à Seiya, passant la paume de sa main le long de son bras.
  « Et là aussi un bel homme tout en muscles !, commentait-elle. Quelle chance j’ai d’être entourée d’aussi beaux jeunes hommes ! »
            Elle se colla à Seiya qui rougit légèrement.
  « Alors, j’ai cru comprendre que vous veniez de Grèce ?, demanda-t-elle.
  – Oui j’y ai passé plus de six ans…, répondit Seiya.
  – Et on m’a chuchoté que vous aviez une histoire familiale tragique ?, minauda-t-elle.
  – Oui je recherche ma grande sœur… Si d’ailleurs elle regarde…
  – Et comment s’appelle-t-elle ?, le coupa la présentatrice.
  – Seika. »
            La journaliste s’éloigna de Seiya et frotta des yeux faussement agrandis de chagrin.
  « Seika si tu nous écoutes, ton frère attend ! »
            Elle alla vers Shiryû, la caméra toujours rivée sur elle, et plongea la main dans ses longs cheveux noirs.
  « Impressionnant !, admira-t-elle. Moi aussi j’en voudrais des pareils ! »
            Elle caressa sa propre coiffure en larmoyant artificiellement.
  « Comment parvenez-vous à combattre en gardant vos cheveux aussi beaux ? »
            Shiryû ouvrit la bouche de surprise, ne sachant que répondre.
  « C’est… leur nature… », finit-il par dire.
            La journaliste le fixa :
  « Un peu timide, non ? »
            Sans attendre sa réponse elle passa à Shun :
  « Et notre dernier invité ! Le beau Shun… »
            Elle posa son menton sur son épaule gauche, mimant un regard de chiot, et il rit mécaniquement.
  « Vous combattez après-demain, c’est ça ? »
            Il opina de la tête.
  « Impatient ?, interrogea-t-elle.
  – Et bien… Je suis curieux de voir comment ça va se passer oui. »
            La présentatrice poussa un petit cri en se détachant de lui. Elle se rapprocha de la caméra et fit un clin d’œil.
  « Coupez ! », hurla un homme dans un coin.
            La journaliste se retourna vers les chevaliers et salua de la main :
  « Bye bye les garçons ! »
            Elle quitta la pièce, suivie par des techniciens.

            Hyôga vint vers Shun :
  « C’était quoi ça ? »
            Le jeune homme châtain haussa les épaules en soupirant :
  « La télévision… C’est particulier je sais… »
            Il plongea les mains dans les poches et tourna un visage souriant vers son voisin.
  « C’est ta première interview hein ?, constata-t-il
  – La première et la dernière oui…
  – Il y en aura forcément d’autres…, répliqua Shun.
  – Et ça ne te gêne pas que… »
            Hyôga s’interrompit, regardant la peau claire de son interlocuteur. Shun pencha la tête, interrogateur :
  « Qu’est-ce qui devrait me déranger ?
  – Cette… proximité, déglutit Hyôga
  – Ah ça ! »
            Shun rit.
  « Je n’aime pas forcément ça mais je joue le jeu… Il faut bien si je veux revoir mon frère… C’est le seul endroit où il viendra me chercher… », murmura-t-il.
            Hyôga tendit la main vers le bras de Shun pour le conforter, ayant brutalement l’impression de l’avoir blessé sans le vouloir. Shun se pressa contre lui et posa sa tête sur son épaule. Hyôga le sentit légèrement trembler.
  « Merci… », chuchota Shun en se redressant.
            Il lança un sourire lumineux vers Hyôga et alla parler à Seiya.

            Hyôga resta pétrifié. Il sut à cet instant qu’il serait incapable de tuer Shun.

            Quel piètre assassin il faisait, se dit-il, amer.



Note : Oui la journaliste est insupportable mais quasi toutes les émissions de ce genre au Japon sont présentées un peu de la sorte. Je ne suis pas sûr que c’était déjà le cas à l’époque, mais j’ai gardé en mémoire les émissions que j’ai vues. ^^ ;


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