samedi 28 juillet 2012

L'amour ne suffit pas : chapitre 21


Chapitre 21 — Japon


            Mû inspira.
            Téléporter n’était pas si dur, mais il devait se concentrer pour ne pas commettre d’erreur. Le moindre atome oublié pouvait poser problème.
            Le vent soufflait dans ses cheveux lâchement noués, murmure léger à son oreille. Shiryû, énergie forte et brutale, bruissant en cascade longue. Le saisir, détailler chaque molécule, plier l’espace-temps et renvoyer plus loin le jeune homme sans danger. Puis ses amis… Hyôga, blizzard froid contre l’esprit de Mû l’étudiant. Shun, tempête déchaînée soufflant sans contrainte sur l’âme de Mû. Puis Pégase, le chevalier pour qui Shiryû était prêt à donner sa vie, éclat doré dans le noir. Mû tendit les bras en recueillant le jeune homme inconscient dans ses bras. Il devait se presser.
            Des Chevaliers d’argent. Il les avait sentis venir alors qu’il attendait l’issue du combat entre Shiryû et les autres contre Phénix. Il en comptait cinq. Il faudrait bien les occuper… En souriant, Mû téléporta les corps des Chevaliers noirs défunts.
  « Maître, que mijotez-vous ?, demanda la voix flûtée à ses côtés. Vous tramez toujours quelque chose quand vous faites cette tête ! »
            Mû se contenta de sourire à l’enfant en réponse. Ils devaient quitter les lieux au plus vite. Portant toujours Seiya, il sonda ce dernier, son disciple et lui-même. Partir encore plus loin… Il sentait les cosmos des Chevaliers d’argent, feux follets vibrant autour de lui. L’un se rapprochait dangereusement. Mû lança la téléportation, ses pieds s’enfonçant soudain dans le sable chaud.
            La mer ronronnait sur sa droite, vibrato doux. Le soleil baissait un peu, mais le sable brûlant faisait transpirer Mû, et Seiya le ralentissait. Ce dernier bougonna quelques mots en japonais sur son épaule.
  « Il fait une drôle de tête, et il…, s’interrompit soudain le disciple de Mû. Bah c’est dégueu, il bave !, s’exclama-t-il en reculant.
  – Kiki ! », le gronda Mû.
            L’interpellé fourra les mains dans ses poches et accompagna en regardant d’un œil torve le Japonais inconscient.
            Mû sentait de plus en plus leur poursuivant se rapprocher. C’était… le Chevalier du lézard oui. Mû percevait presque son haleine souffler sur sa nuque. Elle était plus chaude encore que l’air, et brûlait la kératine de ses cheveux.
  « Maître Mû ! », s’inquiéta Kiki en pointant le doigt derrière eux.
            Mû s’arrêta, sachant qui venait d’apparaître. Il regarda distraitement le corps androgyne, les yeux rieurs, entendit les paroles de mépris. Le Lézard savait pourtant très bien quel était le rang de Mû par rapport à lui. Mû jaugea froidement l’état de sa disgrâce actuelle auprès du Sanctuaire. Mais il savait bien que le Pope dont Misty lui parlait en face n’était pas le bon. Le vrai, Mû s’en souvenait…
            Seiya avait repris connaissance et s’était redressé face au Chevalier d’argent. Kiki appela l’armure de Pégase pour l’aider et Mû ferma les yeux. Il n’écoutait pas le bruit du combat qui s’engageait entre Misty et Pégase. Il devait distraire les autres chevaliers venus avec Misty. Il les chercha de l’esprit, les localisa un par un. Mû rit. Il était peut-être en défaveur, mais il était toujours puissant. Il agita les cadavres des Chevaliers noirs devant les compagnons de Misty, et ces derniers n’y voyaient que du feu, persuadés de combattre les originaux, sûrs de les avoir vaincus.
            Mû rouvrit les yeux. Seiya aussi avait battu Misty. Se détournant, Mû partit, atome par atome…


            Ils les avaient vaincus. Misty, Mozes, Babel et Astérion. Et Marin… Disparue avec un message énigmatique. Athéna ?
            Seiya sentait son cœur battre trop vite, sa respiration haleter contre son gré. Shiryû, Hyôga, Shun… Tous étaient revenus.
  « L’armure… Misty la prétend fausse », expliqua Seiya.
            Shiryû haussa les épaules. Les autres rirent.
  « Nous devons la ramener quand même », dit le Chinois.
            Tous hochèrent la tête en approuvant.
  « Puis on se casse, rajouta Hyôga en posant la main sur l’épaule de Shun. Le job terminé, nous pourrons nous concentrer sur autre chose. »
            Il caressa distraitement une boucle des cheveux de Shun qui eut un sourire triste.
  « Oui…, confirma Seiya, je chercherai ma sœur seule. Saori et son tournoi… Vers quoi ça nous a menés ! Une amie me le faisait remarquer dernièrement. »
            Ils se regardèrent en riant.


            Saori ne manquait pas de culot quand même, se dit Seiya. Athéna. Mais bien sûr. Et le tournoi était fait pour révéler le mal. Hum. Athéna quand même ! La déesse qu’ils étaient censés servir et qui était au Sanctuaire.
            Seiya lui tourna le dos. Ses amis ne semblaient pas plus y croire que lui et l’imitaient.
            Le Colisée avait été détruit, sans doute par les Chevaliers d’argent qu’ils avaient croisés. Qu’ils partent avec l’armure fausse !
            Mais l’armure l’avait protégé du coup d’Ikki…
            Seiya hésita un instant. Malheureuse coïncidence. Il sortit du théâtre, où l’attendaient déjà ses camarades.
            Un cri s’éleva alors derrière eux. En une volée noire et croassante, Saori s’élevait dans les airs, l’armure soupesée aussi par des corbeaux.
            Et merde.
            Sans réfléchir plus longtemps, Seiya courut derrière la jeune femme enlevée criant aux autres de s’occuper de l’armure.
            Saori…
            Menteuse, effrontée, jouant avec eux.
            Pourquoi courait-il pour la sauver ?
            Parce que…
            Le cerveau de Seiya refusa de se demander plus de choses, le faisant juste courir vers la robe blanche flottant dans le ciel.


            Hyôga commençait à être fatigué de ramasser sans cesse les morceaux de l’armure du Sagittaire. Certes, cette fois, ça avait été plus simple. Ils avaient tout récupéré vite, ce n’étaient que des corbeaux après tout.
  « Seiya est par là-bas ! », s’exclama Shiryû en montrant un coin.
            Ils se précipitèrent vers l’endroit indiqué. Le vent soufflait derrière eux, les poussant vers leur but.
            Hyôga vit les grands yeux de Shun s’écarquiller brusquement.
  « Ikki ! », avait-il chuchoté avant de lancer sa chaîne.
            Un sentiment abrupt scia Hyôga. Il descendit de son sternum pour descendre dans son ventre, coupant ses nerfs de douleur. Hyôga sursauta.
            Il s’avança vers Ikki, le regard froid. Le Phénix avait essayé de tuer son propre frère, avait plongé son poing quasiment jusqu’au cœur de Hyôga. Cependant il avait protégé Seiya. Et pourtant Shun voulait le pardonner. Alors…
  « Va dans le volcan de l’île Canon. Ca soignera ton bras gelé », dit-il.
            Ikki lui jeta un regard étrange. Hyôga déglutit, mais ils n’avaient pas le temps, Shun retenait Cerbère, mais ça ne tiendrait pas longtemps, et Persée avait un sourire inquiétant. Shun jeta un dernier coup d’œil vers son frère, le vert de l’iris palpitant. La sensation était vraiment désagréable pour Hyôga. Il vit les poings d’Ikki se fermer, tremblant légèrement, et le vit partir plus vite que le Phénix ne voulait en donner l’impression.
            Hyôga se tourna vers les Chevaliers d’argent, Shun et Shiryû à ses côtés.
            Ils se battraient.


            Pourquoi ?
            Shunrei s’était cachée au-dessus du lavabo, tentant de réprimer ses larmes.
            Pourquoi était-il allé jusqu’à ça ?
            Une poche en plastique était suspendue à une tige, et le tube qui le prolongeait plongeait en Shiryû en liquide incolore.
            La première fois, il avait failli mourir.
            Puis il était allé se vider de son sang et avait enchaîné avec un combat dangereux.
            Enfin, il s’était crevé les yeux. Ses beaux yeux sombres, où coulaient toutes ses émotions. Il n’y avait plus qu’un bandeau sanguinolent et des orbites creuses.
            Shunrei s’accrocha au lavabo.
  « Je n’en peux plus… », murmura-t-elle.
            Derrière elle, elle entendit un gémissement.
  « Shiryû ! », s’étouffa-t-elle en courant à son chevet.
            Elle saisit sa main, entrelaçant ses doigts aux siens, et la porta à sa bouche pour poser un léger baiser. Il tremblait un peu, ses longs cheveux collant à sa peau en sueur. Le drap avait glissé, et révélait les cicatrices sur son torse. Shunrei caressa le poignet pansé, tentant de faire cicatriser les veines coupées par sa douceur.
            Elle l’aimait…
            Il ouvrit la main et toucha la joue de la jeune fille de sa paume.
  « Je… Je voudrais juste… te voir », balbutia-t-il.
            Elle sourit, et glissa les doigts sur son visage. Encouragé, il dessina les traits fins de ses phalanges, esquissant en douceur le nez retroussé, les sourcils hauts, ébauchant les lèvres rondes.
  « Je…, commença-t-il. Ne pars pas ! »
            Shunrei se pencha et embrassa son front.
  « Jamais, chuchota-t-elle. Quand tu seras en état de voyager, je te ramènerai chez nous. Et là, tu iras mieux et tu guériras… »
            Elle entendait le cœur de Shiryû qui battait vite, rythme désorientant. Elle commença à se redresser, mais Shiryû la maintint vers lui.
  « Reste… », chuchota-t-il en caressant une mèche détachée de la jeune femme.
            Elle rapprocha ses lèvres des siennes en un soupir, frôlant leur douceur mouillée de sueur. Il ouvrit la bouche, et elle y plongea en baiser doux et inexpérimenté, goûtant l’amertume de l’assouvissement de son désir.
            Il ne verrait jamais plus mais… cela le rapprochait d’elle.
            Shunrei eut honte de cette pensée.


            Hyôga réfléchissait, assis sur son lit, la lettre à la main.
            Yakoff lui avait écrit. Il s’inquiétait de sa santé. Il l’avait vu à la télévision, et assisté à l’enlèvement de l’armure. Il se faisait du souci. Et Camus avait disparu disait-il. Yakoff demandait à Hyôga de revenir.
            Le Russe se mordit les lèvres.
            Il semblait bel et bien que tout était terminé. Seiya voulait repartir chercher sa sœur. Shiryû était inapte au combat. Et Shun… Hyôga frémit. Il revoyait nettement le coup d’œil de Shun vers Ikki, ressentait le sentiment qui l’avait traversé alors. Il avait été saisi d’une pulsion de jalousie pour… un sentiment fraternel ? Hyôga eut honte. Sans doute devrait-il prendre le temps de réfléchir avant de s’avancer plus loin dans cette direction. Oui…
            Il irait en Russie retrouver Yakoff.
            Soulagé de cette décision, Hyôga se laissa tomber sur le matelas.
            Le rire tiède de Shun résonnait encore en lui, faisant vibrer sa poitrine. Hyôga ouvrit les yeux sur le plafond blanc.
            La neige éternelle effacerait ses peines et lui donnerait la solution.
            La banquise l’appelait.

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