samedi 7 juillet 2012

L'amour ne suffit pas : chapitre 17


Chapitre 17 — Japon

            Seiya se mordait les doigts. Shiryû avait failli en mourir.
        Seiya ne se souvenait pas vraiment de lui, mais leur combat les avait révélés. Shiryû était honnête et brave, prêt à aller loin pour ses convictions. Seiya était tout aussi entêté. Avaient-ils eu raison ?
            Seiya regarda la jeune fille en rouge qui parlait avec Shiryû, allongé sur le lit d’hôpital. Leurs échanges de sourires étaient très parlants. Il ferait mieux de les laisser seuls. Seiya sortit discrètement de la chambre et repartit vers la salle d’attente. Shun et Hyôga les avaient accompagnés, et aussi surprenant que cela paraissait à Seiya, Saori aussi était venue. Ils étaient assis sur des chaises blanches autour d’une table basse en verre, un air grave sur leurs traits. Shun et Hyôga parlaient à voix basse, chuchotements légers. Saori serrait les mains sur ses genoux serrés, les lèvres légèrement pincées en une moue sombre.
            Elle leva les yeux sur Seiya :
  « Le docteur dit qu’il n’y a plus rien à craindre mais… »
           Sa voix se brisa. Je n’ai pas voulu ça, crut l’entendre chuchoter Seiya. Il devait l’avoir imaginé. Jamais elle ne dirait une telle chose, elle la petite princesse qui jouait avec eux.
  « Sa fiancée prendra soin de lui », déclara soudainement Saori en se relevant.
            Elle jeta un regard sévère sur Shun :
  « Vous devriez rentrer, toi en particulier, tu combats demain. »
            Sa robe voleta derrière elle alors qu’elle quittait la pièce, en un glissement léger.
            Voilà bien la Saori dont Seiya se souvenait. Il avait vraiment rêvé.
            Il s’assit sur un des sièges et plia les bras derrière la tête.
  « Cela dit, elle n’a pas tort Shun…, commenta-t-il. Tu devrais te reposer pour demain.
  – Bien… », acquiesça l’intéressé en se levant.
            Hyôga se redressa et l’accompagna.
            Seiya les suivit distraitement du regard.
            Seika l’avait-elle regardé ? Si oui, qu’avait-elle pensé d’un frère prêt à mourir pour un combat ? Et si elle ne l’avait pas vu ? Etait-elle contre ce genre de divertissements ? Vivait-elle au Japon ? Allait-elle bien ?
            Les pensées se bousculèrent dans la tête de Seiya sans qu’il parvienne à les trier.
            Il savait juste qu’il avait créé un lien étrange de respect amical avec Shiryû.
            Il savait juste qu’on le menait en bateau en prétendant l’aider à retrouver sa sœur.
            Il cracha une insulte.


            Le soir était plus frais, et la brise courait sur leurs bras dévêtus. Elle agitait doucement les feuilles des arbres qui longeaient l’allée, bruissement caressant leurs oreilles.
  « Tu affrontes… Jabu, c’est ça ?, s’informa Hyôga.
  – Oui c’est ça… »
            Shun avait les yeux dans le vague.
  « Le dixième…, commença-t-il.
  – Hum ?
  – Le dixième chevalier, celui qu’on ne nous a annoncé qu’au dernier moment et qui n’est pas encore arrivé… A ton avis, qui est-ce ? », demanda Shun.
            Hyôga bailla en dressant ses mains croisées pour s’étirer. Une odeur douce s’échappait des cheveux de Shun et elle flottait vers lui, portée par le vent.
  « Aucune idée… »
            Puis comprenant soudain l’espoir caché, il reprit :
  « N’y crois pas trop… Je ne veux pas te voir déçu.
  – Je sais… »
            Shun se retourna en souriant vers Hyôga :
  « Je suis heureux que Shiryû aille bien ! Quand ils ont ôté leurs armures, j’ai cru que mon cœur allait s’arrêter…
  – Oui je comprends, sourit le jeune homme blond. Mais je les ai trouvés aussi très braves, prêts à tout pour leurs rêves… »
            Il leva les yeux vers le crépuscule.
  « J’avoue que je suis admiratif. », termina-t-il.
            Shun se plaça devant lui et le fixa du vert de ses grands yeux, les mains croisées dans le dos
  « Dis-moi Hyôga… Et toi, quel est ton rêve ? »
            Le Russe ouvrit légèrement les lèvres.
            Son rêve… Il gisait au fond de l’océan, glacé et bercé par les flots.
            Hyôga tendit les bras et posa ses doigts sur les épaules de Shun.
  « Je n’en ai pas vraiment…, mentit-il. Mais j’espère m’en créer », rajouta-t-il sincèrement.
            Shun lui sourit.


         Il dominait très largement.
        Hyôga regardait Shun, légèrement admiratif. Il n’avait visiblement aucun problème à concentrer son cosmos, il le maniait avec aisance et souplesse. Il ne voulait visiblement pas faire du mal à Jabu, et la différence de niveau était telle qu’il y parvenait sans forcer, tout en douceur.
         Puis la chaîne commença à bouger sans son contrôle, le prévenant du danger.
         Le dixième chevalier était arrivé et les maillons étaient allés s’encercler autour de son poignet, caresse froide sur sa peau mate.
  « C’est Ikki ! », avait hurlé Seiya.
        Shun avait tout cessé, tremblant. Le dixième chevalier avait relevé son masque, et un visage familier était apparu. Il était plus carré, plus dur. Une cicatrice creusait son front entre ses yeux, et ses joues s’étaient un peu vidées. Son corps était épais, avec des muscles gonflés, et une impression de puissance se dégageait de lui.
       Les yeux de Shun vibraient, alors qu’il redessinait chaque trait, le gravait dans sa mémoire. Il souriait.
       Quelque chose n’allait pas, se dit Hyôga. Pourquoi Ikki restait-il là haut sans descendre ? Il avait refermé les doigts sur la chaîne qui encerclait son poignet et regardait intensément son frère, les cils ne clignant pas une seule fois. Il aurait dû courir vers lui, lui sourire en retour.
        Soudain Ikki attaqua. Shun tomba. La surprise et l’incompréhension le frappaient plus durement que le coup. Ikki était sur lui. Shun ouvrit la bouche, sous le choc, sans parvenir à bouger. Hyôga se sentit bouger pour accourir, mais déjà Jabu avait protesté. Puis ce fut Nachi.
            Ikki ricanait, son frère hébété à ses pieds. Les Phénix noirs apparurent, emportant des morceaux de l’armure. Hyôga les regarda du coin de l’œil, observant leurs mouvements, anticipant l’endroit où ils allaient s’enfuir. Ikki les menaça et s’enfuit.
            Hyôga alla rapidement réconforter Shun en lui tapotant l’épaule.
  « Ce n’est pas le moment ! », maugréa-t-il d’une voix plus froide qu’il ne le voulait alors qu’il partait à la suite d’un des phénix noirs.
            L’urgence l’empêchait de penser au jeune homme triste derrière lui. Il courut.


            Pourquoi ?
            Shun ne comprenait pas.
            Il sentait le cosmos brûlant devant lui, se dépêchait pour le rejoindre, pour découvrir.
            Pourquoi ?
            Des images douces de son enfance lui revinrent. Celles avec un frère fort, puissant, mais d’une bonté sans faille, d’une tendresse délicate.
            Où était-il passé ?
            Le cosmos de feu était de plus en plus proche, Shun pouvait voir la trace rouge qu’il laissait. Et le corps musclé apparut devant lui, masse sombre dans l’obscurité. Ikki se retourna et le regarda.
            Pourquoi ?
            Shun plongea la question en non dit sur son frère, la chuchota à son âme. La réponse revint vers lui, en désir refoulé, amour non consommé et honte passionnelle. Shun en stoppa de stupeur. Il ne bougeait plus, observant les cheveux épais d’Ikki onduler légèrement sous le vent du soir, les yeux de crépuscule caresser chacun de ses atomes, et le sourire étrange qui avait fini par creuser ses joues.
            Ikki voulait… Il avait envie de… Il l’aimait mais… si fort… Et il y avait autre chose…
            Shun sentit ses genoux se plier et la paume de ses mains toucha le sol en compréhension pesante. Le médaillon froid sous son polo lui semblait être brusquement devenu lourd. Shun haleta en fermant les yeux. Il serra le poing, décidant d’affronter une vérité dérangeante et redressa le regard.
            Ikki était parti et Shun ne décelait plus la moindre trace de son cosmos. Il sentait juste près un Phénix noir égaré.
            Peut-être en savait-il plus. Shun rassembla son courage et courut vers lui.


          Hyôga caressa sa joue.
  « Trop de choses en trop peu de temps… »
         Shun lui renvoya un regard terne.
         Le Phénix noir n’avait rien voulu dire. Shun s’était contenté de prendre la pièce de l’armure d’or et l’avait ramenée au manoir Kido. Puis il était sorti vers le chêne où son frère s’entraînait enfant. Et ce faux Cygne l’avait raillé avant de l’attaquer. Mais qu’était ce sentiment étrange que Shun avait senti en lui ? De la… jalousie ? Le cœur terni de questions et de compréhension amère, Shun n’avait pas même tenté de répliquer. Mais Hyôga était arrivé et avait battu le Cygne noir…
  « Allez viens… Je vais même te border ! », taquina Hyôga en redressant son camarade.
            Shun rit malgré lui :
  « J’ai passé l’âge…
  – Alors souris ! », répliqua le Russe en passant le bras sous ses épaules.
            Shun se força et marcha vers le manoir à ses côtés.
  « Hyôga…, murmura le jeune homme châtain.
  – Oui ?
  - Je crois que je veux… »
        Il se détacha précipitamment de son camarade et alla vomir près d’un buisson. Hyôga se sentit impuissant. Shun devait naviguer dans une mer d’incompréhension insupportable, se dit-il. La pensée était douloureuse. Hyôga se rapprocha de son camarade et posa la main sur son bras.
  « Tu finiras par comprendre…, promit-il.
  – Ce n’est pas ça le problème… », murmura Shun en se dépliant.
         Il se tourna vers Hyôga et eut un sourire doux, non artificiel :
  « Tu es attentionné… Merci. »
            Le Russe se sentit très troublé.


            Seul dans sa chambre, Shun osa enfin pleurer.
            Il aimait Ikki, il n’avait jamais cessé.
            Comment pouvait-il faire, que devait-il dire ?
            Un souvenir de passion réfrénée descendit le long de son dos en souffle brûlant.
            Shun trembla.

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