dimanche 10 juin 2012

Enfance délaissée : chapitre 1


Chapitre 1 : Seiya


  « Ne bouge pas Seiya ! », réprimanda gentiment Seika.
        Il grommela de désapprobation alors qu’elle lui peignait les cheveux. Il avait huit ans, l’âge où l’on ne sait pas rester en place. Mais Seika avait l’habitude. Elle le maintint d’une main douce mais ferme et acheva la coiffure de l’autre main en feignant de ne pas voir les grimaces de son frère.
  « Voilà, tu es tout beau », approuva-t-elle devant son œuvre. Il tordit la bouche et enfonça ses petites mains dans ses poches.
  « Je peux sortir maintenant ? C’est le week-end et on a prévu une partie de foot. Je serai peut-être même capitaine ! », se rengorgea-t-il.
        Seika sourit.
  « Bien sûr que tu peux. »
        Elle suivit la tornade brune dans les escaliers de l’orphelinat, soupirant légèrement. Sa mère serait fière de son fils. Leurs parents étaient morts dans un accident de voiture alors que Seiya était encore bébé. Il n’en avait aucun souvenir mais Seika se rappelait pour deux. Elle revoyait les boucles foncées, la peau douce et le regard fier. Parfois, elle se disait que Seiya lui ressemblait.
        Le petit garçon était arrivé en courant dans la cour, bousculant la petite Miho qui protesta sans se faire entendre. Il s’agita tant, fit tant de bruit que ses camarades fatigués lui offrirent bel et bien une des deux places de capitaine. Seika s’assit sur un banc pour regarder le match, Miho refaisant ses couettes à côté.
  « Il fait tout le temps ça, protestait cette dernière. Il me pousse, ça l’amuse !
  – Non, je crois qu’il est juste inattentif », argua Seika.
        Miho fit la moue, mais ses yeux brillaient. Seika la soupçonnait de s’être amourachée de Seiya. C’était le caïd des cours de récré et cela attirait l’attention. Le concerné bien sûr ni ne voyait, ni n’était même intéressé. Frimer auprès des copains était bien plus drôle. Mais Seika chérissait cette innocence. Elle voulait que son enfance soit parfaite, sans pensée d’adulte.

  « Mademoiselle ? » demanda quelqu’un sur sa droite.
        C’était un homme grand et chauve, les yeux enfoncés dans un crâne large. Il était vêtu d’un costume simple mais dont chaque bouton criait le prix élevé. Il était accompagné de la directrice de l’orphelinat qui le soutenait d’un air grave.
  « Oui ?, s’enquit Seika.
  – Voulez-vous nous suivre ? Nous devons parler de votre frère, répondit l’homme imposant.
  – De Seiya ? », s’étonna Seika, déjà debout.
        Elle les suivit à l’intérieur du bâtiment. Miho les observa partir, intriguée, mais un but de Seiya détourna vite son regard.

  « C’est une offre très généreuse, poursuivait l’homme, il n’aura plus à s’inquiéter de son avenir. »
        Tatsumi lui avait-il dit s’appeler. Il était envoyé par la fondation Graund, dirigée par Matsumasa Kido. Il voulait que Seiya rejoigne l’institution de luxe pour orphelins qu’avait créé Kido. Selon lui, cet organisme offrirait à Seiya éducation, emploi sûr et argent garanti. D’ailleurs, il voulait même lui donner un salaire.
        Tout cela était ridicule pour Seika. Depuis quand un orphelinat payait-il les enfants ? L’affaire était même louche. Mais la directrice avait l’air de trouver cela très bien et Seika était mineure. L’affaire était bouclée, qu’elle soit d’accord ou non. Par la fenêtre, elle voyait Seiya qui riait. Tatsumi avait visiblement gagné sa partie. Elle avait envie de lui hurler de s’enfuir. Mais Seika n’osa pas. Elle signa poliment l’acceptation de Seiya au sein de la fondation Graund en serrant les lèvres. La directrice la félicita chaudement alors qu’elle se maudissait.

  « Pourquoi fais-tu la tête Seika ? », demanda Seiya.
        Elle était assise dans le dortoir vide, les yeux dans le vague. L’après-midi touchait à sa fin et la pièce tournée vers l’ouest était baignée d’une lueur orangée, baignant de reflets roux les cheveux châtains de Seika.
  « Seiya… Tu seras très courageux hein ?
  – Grande sœur… »
        Elle releva le visage, le regard humide.
  « Oh Seiya ! », s’exclama-t-elle en le serrant brutalement dans les bras.
        Elle se laissa pleurer quelques secondes, puis se souvint qu’elle se devait d’être forte et courageuse. La main sur l’épaule de son frère, elle se força à  parler.
  « Tu vas partir dans un autre orphelinat Seiya, une institution, expliqua-t-elle. C’est un bon établissement… Tu y seras bien accueilli, tu y recevras une bonne éducation. Ton futur est assuré et… »
        Elle s’arrêta, des sanglots dans la voix, la tête tombant vers l’avant.
  « Ca a l’air bien ! On s’amusera bien là-bas », s’exclama Seiya, enthousiaste.
        Seika redressa le visage, plongeant ses yeux noisette dans le brun de ceux de Seiya.
  « Je ne pars pas avec toi.
  – Hein ?, s’écria Seiya, ne comprenant pas.
  – Il n’y a que toi qui pars là-bas Seiya… Que toi…, rajouta-t-elle en chuchotant
  – Mais je ne veux pas y aller alors ! », protesta le petit garçon.
        Seika prit une grande inspiration, serrant la paume de sa main sur l’épaule de Seiya.
  « Tu es un grand garçon, tu y iras et seras fort et courageux. »
        Mais Seiya hurlait sans l’écouter. Non, non ! Ses cris alertèrent le surveillant. Ce dernier saisit l’enfant gesticulant et le traîna hors de la pièce. Seika avait ramené ses mains devant sa bouche et suppliait doucement Seiya de se taire. Mais il ne l’entendait pas.

        Seiya passa sa dernière soirée à l’orphelinat en punition.


Suite -> Chapitre 2

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