Chapitre 1 : Seiya
« Ne bouge pas Seiya ! »,
réprimanda gentiment Seika.
Il grommela de désapprobation alors
qu’elle lui peignait les cheveux. Il avait huit ans, l’âge où l’on ne sait pas
rester en place. Mais Seika avait l’habitude. Elle le maintint d’une main douce
mais ferme et acheva la coiffure de l’autre main en feignant de ne pas voir les
grimaces de son frère.
« Voilà, tu es tout beau »,
approuva-t-elle devant son œuvre. Il tordit la bouche et enfonça ses petites
mains dans ses poches.
« Je peux sortir maintenant ? C’est
le week-end et on a prévu une partie de foot. Je serai peut-être même
capitaine ! », se rengorgea-t-il.
Seika sourit.
« Bien sûr que tu peux. »
Elle suivit la tornade brune dans les
escaliers de l’orphelinat, soupirant légèrement. Sa mère serait fière de son
fils. Leurs parents étaient morts dans un accident de voiture alors que Seiya
était encore bébé. Il n’en avait aucun souvenir mais Seika se rappelait pour
deux. Elle revoyait les boucles foncées, la peau douce et le regard fier.
Parfois, elle se disait que Seiya lui ressemblait.
Le petit garçon était arrivé en courant
dans la cour, bousculant la petite Miho qui protesta sans se faire entendre. Il
s’agita tant, fit tant de bruit que ses camarades fatigués lui offrirent bel et
bien une des deux places de capitaine. Seika s’assit sur un banc pour regarder
le match, Miho refaisant ses couettes à côté.
« Il fait tout le temps ça, protestait
cette dernière. Il me pousse, ça l’amuse !
– Non, je crois qu’il est juste
inattentif », argua Seika.
Miho fit la moue, mais ses yeux
brillaient. Seika la soupçonnait de s’être amourachée de Seiya. C’était le caïd
des cours de récré et cela attirait l’attention. Le concerné bien sûr ni ne
voyait, ni n’était même intéressé. Frimer auprès des copains était bien plus
drôle. Mais Seika chérissait cette innocence. Elle voulait que son enfance soit
parfaite, sans pensée d’adulte.
« Mademoiselle ? » demanda
quelqu’un sur sa droite.
C’était un homme grand et chauve, les
yeux enfoncés dans un crâne large. Il était vêtu d’un costume simple mais dont
chaque bouton criait le prix élevé. Il était accompagné de la directrice de
l’orphelinat qui le soutenait d’un air grave.
« Oui ?, s’enquit Seika.
– Voulez-vous nous suivre ? Nous devons
parler de votre frère, répondit l’homme imposant.
– De Seiya ? », s’étonna Seika,
déjà debout.
Elle les suivit à l’intérieur du
bâtiment. Miho les observa partir, intriguée, mais un but de Seiya détourna
vite son regard.
« C’est une offre très généreuse,
poursuivait l’homme, il n’aura plus à s’inquiéter de son avenir. »
Tatsumi lui avait-il dit s’appeler. Il
était envoyé par la fondation Graund, dirigée par Matsumasa Kido. Il voulait
que Seiya rejoigne l’institution de luxe pour orphelins qu’avait créé Kido.
Selon lui, cet organisme offrirait à Seiya éducation, emploi sûr et argent
garanti. D’ailleurs, il voulait même lui donner un salaire.
Tout cela était ridicule pour Seika.
Depuis quand un orphelinat payait-il les enfants ? L’affaire était même
louche. Mais la directrice avait l’air de trouver cela très bien et Seika était
mineure. L’affaire était bouclée, qu’elle soit d’accord ou non. Par la fenêtre,
elle voyait Seiya qui riait. Tatsumi avait visiblement gagné sa partie. Elle
avait envie de lui hurler de s’enfuir. Mais Seika n’osa pas. Elle signa
poliment l’acceptation de Seiya au sein de la fondation Graund en serrant les
lèvres. La directrice la félicita chaudement alors qu’elle se maudissait.
« Pourquoi fais-tu la tête
Seika ? », demanda Seiya.
Elle était assise dans le dortoir vide,
les yeux dans le vague. L’après-midi touchait à sa fin et la pièce tournée vers
l’ouest était baignée d’une lueur orangée, baignant de reflets roux les cheveux
châtains de Seika.
« Seiya… Tu seras très courageux
hein ?
– Grande sœur… »
Elle releva le visage, le regard humide.
« Oh Seiya ! »,
s’exclama-t-elle en le serrant brutalement dans les bras.
Elle se laissa pleurer quelques
secondes, puis se souvint qu’elle se devait d’être forte et courageuse. La main
sur l’épaule de son frère, elle se força à
parler.
« Tu vas partir dans un autre orphelinat
Seiya, une institution, expliqua-t-elle. C’est un bon établissement… Tu y seras
bien accueilli, tu y recevras une bonne éducation. Ton futur est assuré
et… »
Elle s’arrêta, des sanglots dans la
voix, la tête tombant vers l’avant.
« Ca a l’air bien ! On s’amusera
bien là-bas », s’exclama Seiya, enthousiaste.
Seika redressa le visage, plongeant ses
yeux noisette dans le brun de ceux de Seiya.
« Je ne pars pas avec toi.
– Hein ?, s’écria Seiya, ne comprenant
pas.
– Il n’y a que toi qui pars là-bas Seiya… Que
toi…, rajouta-t-elle en chuchotant
– Mais je ne veux pas y aller
alors ! », protesta le petit garçon.
Seika prit une grande inspiration,
serrant la paume de sa main sur l’épaule de Seiya.
« Tu es un grand garçon, tu y iras et
seras fort et courageux. »
Mais Seiya hurlait sans l’écouter. Non, non ! Ses cris alertèrent le
surveillant. Ce dernier saisit l’enfant gesticulant et le traîna hors de la
pièce. Seika avait ramené ses mains devant sa bouche et suppliait doucement
Seiya de se taire. Mais il ne l’entendait pas.
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