Chapitre
4 : Hyôga
Il haïssait cet endroit.
Hey, le blond, ça ne te dérange pas de
venir en terre ennemie ? Tu devrais dégager vite fait de là, on n’aime pas
les cocos ici.
Il haïssait ce pays.
Trop chaud, moite, s’accrochant à votre
peau pour l’empêcher de respirer, une odeur aigre au fond de la gorge.
Il haïssait ce monde.
Univers où il était obligé de marcher
seul, après avoir vu sa mère mourir.
Oui, tout, il haïssait tout.
« Tiens, une fleur ! »
Le
pollen lui donnait envie d’éternuer. Il balaya de la main la dite-fleur et le
sourire doux du petit châtain qui la tendait, en partant précipitamment.
Ils
étaient tous bizarres ici, tous !
Sa mère voulait qu’il vienne ici. En son souvenir,
il ne partirait pas, mais qu’il voulait s’enfuir ! Rien ne lui plaisait,
tout l’agressait.
On ricanait sur sa droite.
« Il paraît que dans son pays, on
s’habille avec des peaux de bêtes, et les femmes sont de grosses blondes avec
des nattes… »
Le coup de poing n’avait pas même été réfléchi. Hyôga sentit
vaguement la foule d’enfants se regrouper autour de lui, excitée par la
bagarre, murmurant d’impatience. Celui qu’il avait frappé s’était déjà relevé,
un sourire hargneux au coin des lèvres. Levant la main serrée, il la lança vers
le visage de Hyôga, qui n’eut pas le temps de l’éviter. Une faible voix s’éleva
du cercle d’enfants qui regardaient : « Ce n’est pas bien de se
battre, protestait-elle, Hyôga, tu… » Mais le gâcheur de festivités fut
vite repoussé. Hyôga ne l’avait pas même entendu, la rage l’envahissait. Il ne
se retint plus de sauter sur son adversaire. Le rond de spectateurs scandait
des insultes. Sa vision était trouble, son corps glissant, mais il ne voulait
pas leur laisser la joie d’avoir été battu. On glousserait qu’il avait été remis
à sa place, qu’il n’était pas digne d’être ici. En un dernier mouvement, il
frappa son vis-à-vis de toutes ses forces. A sa grande satisfaction, il le vit
s’écrouler. La foule roucoula de déception alors qu’il s’en allait, parsemé
d’hématomes, mais victorieux.
Quel endroit stupide.
Il la vit alors. Sur le balcon, la demoiselle des lieux
regardait les spectateurs partir, un sourire aux lèvres. Elle s’était réjouie
comme les autres de la scène. Petite garce.
Non, vraiment rien de bien ici, pourquoi diable sa mère
voulait-elle l’y envoyer ?
De grosses blondes avec
des nattes… Hyôga serra les poings d’exaspération. Si fine, si délicate,
avec ses longs cheveux au vent, sa mère était tout sauf ça. Bandes d’abrutis.
Il s’assit sur un banc, dans une allée isolée, ôtant la sueur
de son front du revers de ses mains. Que pouvait-il faire ? Que
deviendrait-il ? Parfois cette peur l’envahissait. S’il n’était pas là, où
irait-il ? Il soupirait, le regard plongé sur le gravier du sentier.
« Tiens, pour t’essuyer ! »
On lui tendait une petite serviette bleue, ornée d’un
personnage de manga. C’était le petit châtain, trop courtois et trop délicat.
Mais dans l’immédiat, Hyôga accepta la serviette. En un sourire radieux, son
étrange camarade s’assit à côté de lui, posant une mallette entre eux deux.
« Ah ça, c’est le nécessaire pour que tu
ne deviennes pas tout bleu, expliqua-t-il suite au hochement de sourcil de
Hyôga. Regarde, poursuivit-il en ouvrant la boîte, une lotion anti-coup, du
coton, des pansements…
– Je n’en ai pas besoin », déclara Hyôga
en tournant la tête.
Son camarade sourit juste en imbibant un coton et le
rapprochant de son bras.
« J’ai dit que je n’en ai pas
besoin !, protesta Hyôga. Tu… Aïe !
– Pardon, j’ai trop appuyé, s’excusa le petit
brun en fermant les yeux sur un sourire. Là, comme ça », assura-t-il en
tamponnant plus doucement.
Ce type dérangeait Hyôga. Il essayait de devenir son ami,
mais le Russe ne voulait pas d’amis. Cependant, il ne pouvait rien lui
reprocher. Le coton était agréablement frais sur sa peau, et apaisait bel et
bien la douleur.
Pourquoi ?
Pourquoi était-il gentil avec un inconnu ?
Pourquoi ne le rejetait-il pas comme le reste de ce
pays ?
« Pourquoi…, commença-t-il.
– Hum oui, pourquoi quoi ?, demanda le
jeune garçon, frottant l’hématome de la joue.
– Pourquoi as-tu une trousse de premier
secours ? »
Le petit châtain rit doucement.
« D’ordinaire, c’est moi qu’on frappe,
mais moi, je ne sais pas me défendre comme toi.
– On te frappe ?, s’étonna Hyôga.
– Oui… On n’ose pas trop à cause de mon frère
mais ici…, hésita l’enfant. Ici… ils ont plus le courage d’oser l’affronter
après s’ils ont eu le plaisir de me frapper avant.
– Mais… pourquoi font-ils ça ?
– Je ne riposte pas, ça doit les amuser je
suppose. »
Il fourra le coton usagé dans un sac plastique et referma sa
mallette.
« Voilà, tu deviendras moins
bleu. »
Hyôga sourit.
« Oui, j’arrive ! », cria le
jeune garçon à la silhouette qui attendait calmement dans l’allée. Il fit un
petit geste d’au revoir de la main et courut partir avec elle.
Hyôga regarda pensivement son bras.
Où aurait-il pu aller de toutes manières ? Sa mère avait
rendu son bail, il n’avait aucune autre famille. Rien, il n’avait rien d’autre
que des bleus sur l’épaule et la joue. En un soupir, il retourna vers la
Fondation.
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